Et si les jours « sans » étaient aussi des jours « avec » ? – Par Sophie Marguliew

Le yin-yang est un concept qui nous vient de la Chine ancienne. Il est basé sur l’observation de la nature, et, selon le Tao, il régit le fonctionnement de tout le vivant, tant au niveau biologique que plus abstrait. En cela, il me semble une approche intéressante à utiliser en coaching. Je vous propose d’explorer en quoi yin-yang peut nous aider dans les moments difficiles où nous nous sentons au creux de la vague.

Il nous arrive à tous de traverser des jours « sans », des jours sans inspiration, sans élan, où la vie ne va pas dans le sens dans lequel nous voudrions qu’elle aille. Des jours où nous n’arrivons pas à faire ce que nous avions prévu.

Cela m’arrive souvent. Dernièrement, je devais écrire un article et rien ne venait, après plusieurs heures je n’avais pas avancé du tout, malgré la pression de temps grandissante. Alors j’ai jeté l’éponge, je suis allée faire un tour tranquille dans le jardin, profiter du soleil et du chant des oiseaux. Et je me suis laissée pousser dans une tout autre direction que l’écriture : le repos, la préparation des bagages pour les vacances (tiens, j’étais à nouveau en action !)… jusqu’à oublier mon objectif du jour. Et soudain l’inspiration est venue, au détour d’une valise. Plus qu’à me mettre devant mon ordinateur et à écrire !

Je suis à chaque fois émerveillée de constater l’existence de ce balancier de la vie : cette alternance entre des moments favorables à l’action, à la production, au déploiement, et d’autres qui poussent à ralentir, à se reposer, à laisser mûrir les choses. Comme la pâte qui après avoir été pétrie a besoin de repos pour laisser les levures travailler à l’intérieur, avant d’être enfournée. Sans ce temps de repos indispensable, pas de pain levé.

Les jours « sans » peuvent être sans énergie, avec peu d’envie d’agir, mais avec des émotions lourdes, tristes… Ce sont aussi ces jours où j’ai beaucoup à faire, mais où « tout va de travers », de la tartine de confiture qui tombe du mauvais côté, à l’embouteillage qui me met en retard pour un rendez-vous évidemment crucial, et la colère et l’énervement qui montent…

Ce sont toujours des moments inconfortables, qui parlent de mouvements contraires, de perte de centrage et d’équilibre. Dans ces moments-là, nous pouvons nous sentir « au creux de la vague ». Cette expression, si on la prend dans son sens littérale, peut pourtant nous rappeler que ce creux prépare la montée de la vague suivante, celle qui nous portera et accompagnera nos élans, nous faisant trouver les choses fluides voire faciles, bien équilibrées.

Yin-Yang, un modèle ancestral de la circulation d’énergie

Ces va-et-vient d’énergie, ces équilibres et déséquilibres, ces vagues de la vie qui montent et descendent, ont été modélisées il y a des millénaires par les Chinois, dans le symbole du Taijitu – le dessin du yin-yang. Il est apparu au IIIème siècle avant Jésus-Christ. C’est le savant Zou Yan qui le développe en cherchant à expliquer les cycles naturels comme les saisons. Les principes du yin-yang sont à la base du Confucianisme et du Taoïsme, deux courants philosophiques majeurs en Orient.

Le symbole du yin-yang est fait d’un cercle, composée de deux parties, l’une blanche : le yang, et l’autre noire : le yin. En chinois « Yang » signifie versant ensoleillé d’une montagne (l’adret), et « yin » est la partie à l’ombre. Ils désignent les deux aspects d’une même chose, ici la montagne. En français nous utilisons pour la même idée l’expression « les deux faces d’une même médaille ».

Par extension yang signifie clair, lumineux, et est représenté par la couleur blanche. Yin signifie sombre, humide, et est représenté par la couleur noire.

Les caractéristiques de yin-yang

Comme on le voit dans le symbole du Taijitu, yin-yang constitue une unité, un seul mot (comme aigre-doux ou clair-obscur). Cette unité est composée de deux aspects contraires, qui coexistent mais ne sont pas visibles en même temps. Ainsi, le jour (yang) et la nuit (yin) constituent-ils une journée de 24 heures, un cycle qui recommence indéfiniment.

Dans le symbole yin-yang, on peut aussi observer que la partie noire yin s’élargie quand la partie blanche yang rétrécit, les deux parties formant toujours un cercle parfait. Yin-yang sont toujours en équilibre, quand l’un croît et s’exprime, l’autre décroît sans jamais disparaître tout à fait. Il reste présent sans s’exprimer. C’est ce que symbolise le point noir yin dans la partie blanche yang, et vice-versa. Ces points sont en fait des graines : une graine de yang existe toujours au cœur de yin, une graine de yin existe toujours au cœur de yang, prête à germer au cycle suivant.

Le cycle des saisons permet de bien se représenter cette dynamique yin-yang.
La graine, fruit fécondé qui sèche et tombe en fin d’été, se retrouve ensuite sous terre pendant la période d’hiver. Il ne se passe rien de visible à la surface du sol. Mais sous terre, la graine s’humidifie, de nombreuses réactions enzymatiques ont lieu, les radicelles et une petite tige commencent à être fabriquées (elles n’existent pas dans la graine sèche). Et tout à coup, un jour, une petite pousse verte apparaît à la surface du sol. Cette longue période d’activité souterraine, invisible et pourtant si importante de maturation, de gestation, c’est la période yin. La poussée de la plante vers le haut, vers la lumière, c’est la période yang. Après l’hiver, la végétation se déploie au printemps, et jusqu’au cœur de l’été, là où le yang est le plus haut, pour progressivement diminuer jusqu’à l’automne puis l’hiver, les saisons yin. Ainsi, le cycle yin-yang se répète indéfiniment, à l’échelle d’une année, à l’échelle d’une journée (jour yang, nuit yin), à travers tout le vivant. Une fois yin, une fois yang.

Caractéristiques respectives de yin et de yang

Elles peuvent être résumées ainsi :

  • Yin exprime une tendance à descendre, se concentrer, un mouvement centripète, et sa temporalité est longue, yin mène à terme.
  • Yang exprime une tendance inverse, qui monte, en expansion, un mouvement centrifuge, sa temporalité est plus brève, c’est une tendance à enclencher.

Ces aspects peuvent s’observer facilement en jouant avec un ballon de baudruche : la phase de lancer correspond au yang, la phase de réception correspond au yin.

La vie, c’est le changement

La différence de potentiel entre yin et yang, comme la différence de température entre l’air chaud et l’air froid, crée le souffle vital, l’énergie, que les Chinois appellent le Qi (qui se prononce « tchi », comme dans tai chi ou feng shui). C’est le Qi qui est à l’origine de la Vie.

Ainsi tous le vivant fonctionne suivant une seule et même loi perceptible par l’alternance binaire des opposés. Si le cycle d’alternance yin yang s’arrête, la vie s’arrête. Au fond, la seule chose qui ne change jamais, c’est le changement.

Pour exprimer ce mouvement incessant, il est aidant parler de « tendance » yin et yang plutôt que d’état (par exemple ce qui tend vers l’ouverture / ce qui tend vers la fermeture).

Cette alternance cyclique yin-yang s’applique non seulement au fonctionnement biologique, mais à toute situation que nous vivons, ainsi qu’à notre vécu intérieur. Ainsi, dans une situation équilibrée, se succèdent sans cesse tendance au repos / au mouvement ; à se vider / à se remplir ; à percevoir de façon intuitive / à analyser ; à être / à faire ; à porter en gestation / à semer ; à recevoir / à donner ; à écouter / à parler …
Nous avons un proverbe qui parle bien de cette alternance inéluctable : « après la pluie, le beau temps ».

En quoi ce modèle peut-il nous aider dans les jours « sans » ?

Cette alternance yin-yang se retrouve en chacun de nous : nous avons tous un aspect yin et un aspect yang, un principe Féminin et un principe Masculin (quel que soit notre sexe), dont l’expression alterne suivant un rythme plus ou moins rapide.
Tantôt, j’exprime mon yang, je suis dans l’action, je m’exprime, je vais vers les autres, je déploie ma force. A d’autres moments, j’exprime mon yin, je favorise l’accueil, l’écoute, l’intériorité, la gestation / maturation, la solitude. Parfois jusqu’au déséquilibre, dans l’agressivité ou le replis sur soi.

Les jours « sans » nous parle de moments de déséquilibre d’énergie, d’élans contraires.
Dans les moments de manque d’énergie, mon yin s’exprime peut-être trop, la circulation d’énergie ralentie, son mouvement est à la concentration. Agir suivant mon programme « d’action » me demande beaucoup d’efforts, et produit peu de satisfaction.
A l’inverse, quand tout va de travers quoi que je fasse, et que j’ai tendance à m’agiter encore plus, je nourris une tendance yang qui ne semble pas non plus me permettre d’atteindre mes objectifs.

Que ce soit pour des raisons internes ou face à des circonstances extérieures, c’est donc notre équilibre interne yin-yang que nous avons perdu. Une de nos polarités prend trop de place, notre cercle yin-yang « ne tourne plus rond ». Face aux circonstances extérieures, nous pouvons seulement subir ou les influencer, pas les modifier. En revanche, nous pouvons agir sur notre déséquilibre yin-yang interne pour le rétablir et nous recentrer.

Comment retrouver notre équilibre ?

Il s’agit de mettre l’énergie en circulation, d’évacuer les blocages, les tensions et le trop-plein d’émotions, de faire rentrer du neuf. Je vous partage ici quelques une de mes ressources pour les creux de la vague.

D’abord, reconnaître et accueillir ce qui est : freinée dans mon action, j’ai besoin de prendre conscience de l’énergie du moment. Puis de sentir comment m’adapter.

Parfois, la prise de conscience de la tendance d’énergie montante ou descendante, suivie d’un changement d’activité suffit à me faire basculer dans une autre énergie. Si je suis en train d’écrire et que je bloque, je passe un coup de fil, je fais un peu de classement, quelques mouvements de yoga …

D’autres fois, j’ai besoin de plus d’introspection, d’aller voir de quoi j’ai vraiment besoin, de me laisser sentir que quelque chose d’autre se prépare et est en train de germer. Comme il s’agit de fluctuation d’énergie, une exploration mentale ne suffit pas. Pour moi, une exploration par le corps est nécessaire.

Deux options : soit nourrir le yin, soit favoriser le yang. Dans tous les cas, je fais donc un détour, je vais chercher à agir sur « autre chose » que ce que j’avais prévu, avec une intensité à doser en fonction de mon ressenti corporel (tout simplement : est-ce que ça me fait du bien, ou suis-je en train de forcer ? J’en veux plus ou j’en veux moins ?). C’est une forme de lâcher-prise, j’arrête de lutter, je ne fais pas rien, je fais autre chose.

Quelques-uns de mes trucs pour changer d’énergie :

  • Laisser libre court aux émotions qui me traversent : pleurer à chaude larme, râler voire crier… en sachant que ce sont des vagues qui passent.
  • Me reposer, cocooner : dormir (même une micro-sieste), m’enrouler dans une couverture toute douce, me faire une tisane avec un carré de chocolat, écouter de la musique, méditer.
  • Respirer en cohérence cardiaque.
  • Bouger : marcher, danser, courir, faire du yoga, du sport… Un petit exercice de do in (auto-massage japonais) par exemple, quelques mouvements de yoga, remettent l’énergie en circulation dans le corps.
  • Prendre un bain de nature : marcher même lentement dans un espace végétalisé, marcher pieds nus sur le sol meuble, m’asseoir à même le sol (sur un tapis de yoga, ça marche aussi), m’allonger et me laisser porter par la Terre-Mère qui absorbe et transforme tout, m’adosser à un arbre et sentir son énergie circuler en moi, sentir le vent…
  • Rire : en regardant des vidéos drôles, en lisant des blagues, en fréquentant des personnes drôles.
  • Appeler un(e) ami(e) ou aller boire un café avec quelqu’un qu’on apprécie.

Accompagner le changement avec yin-yang

Quelque soit la situation, prêter attention aux fluctuations d’énergie internes peuvent nous guider pour aller à la rencontre de nos besoins du moment.

Le yin-yang, découvert lors de ma formation de coach à l’institut BAO-Elan Vital, me guide dans la transition de vie que je traverse depuis quelques années. Ainsi ai-je vécu mon déménagement de la Belgique vers la France à la fois comme une crise et comme une opportunité. Cela m’a permis d’accepter la tristesse de quitter mes amis, de perdre mes repères, et d’accueillir le découragement de devoir « tout recommencer ». En m’installant, j’ai accepté de traverser une phase de vide, sans amis, sans repère et sans activité, pour me donner le temps de laisser émerger du neuf. Ce temps de repos m’a permis d’accueillir mes nouveaux élans de vie, de m’ouvrir à de nouvelles rencontres, de nouvelles opportunités professionnelles, un nouveau déploiement, avec énergie et envie.

Dans chaque situation que l’on rencontre on peut donc se demander :

  • A quoi m’invite ce moment, cette phase ? Est-ce que je rencontre des résistances dans mon élan, ou est-ce au contraire fluide ? Que faire pour m’adapter et en tirer tout le bénéfice, en sachant que bientôt, quel qu’il soit, le mouvement s’inversera ?
  • Dans cette situation, cette interaction, suis-je en train d’exprimer plutôt mon yin ou plutôt mon yang ? Est-ce bien adapté ou cela conduit-il à un déséquilibre que je ne souhaite pas ?
  • Dans quelles situations m’est-il plus facile d’exprimer mon yin ou mon yang ? Qu’est-ce que ça changerait d’exprimer d’avantage l’aspect que j’exprime le moins ? Pourquoi ne pas essayer de changer volontairement de manière d’agir, soit en étant plus proactif, soit au contraire, en laissant venir, en cherchant moins à forcer les choses ?

Utiliser le yin-yang en coaching offre donc un chemin pour accompagner le changement. Il peut aider à fluidifier les transitions, la traversée des périodes de déséquilibre plus ou moins importants sans forcer les résistances, mais plutôt en faisant avec. Dans ces moments, nous pouvons chercher la polarité inverse de celle que nous percevons, et mettre notre énergie à faire germer celle-ci pour trouver un nouvel équilibre. Le yin-yang nous aide à mettre des « et » à la place des « ou », à intégrer les contradictions pour les dépasser. Comme le funambule qui, pour avancer, ne cherche pas à rester droit sur le fil, mais bascule sans cesse d’un côté ou de l’autre pour éviter de tomber du côté opposé. Cultiver notre harmonie yin-yang nous permet d’avancer sur le fil de la vie en faisant face aux changements qui nous déséquilibrent sans cesse.


Mon parcours

Sophie Marguliew

Coach de vie et trainer coach certifiée, thérapeute en constellations familiales et systémiques en formation, j’ai animé des projets partenariaux sur le thème du zéro déchet pendant 15 ans, et je suis ingénieure agronome de formation.
C’est ce parcours qui m’amène aujourd’hui à faire des liens étroits entre l’humain et la nature. Je suis fascinée par la puissance de la nature, ses équilibres, sa résilience face aux déséquilibres, et par la place que l’être humain occupe dans cette nature, dont il fait partie intégrante en tant qu’animal. La mise en parallèle des fonctionnements observables dans la nature et de nos fonctionnements humains, individuels ou collectifs, peut apporter un éclairage riche de sens dans une démarche de développement personnel.
En tant que coach et thérapeute, j’accompagne les personnes en recherche de mieux-être et de nouveaux équilibres de vie. Pour cela j’accorde une importance particulière à la reconnexion de l’être humain avec sa nature profonde, son animalité, ses fonctionnements naturels afin que les coachés puissent découvrir leur harmonie interne et en accord avec leur environnement.

Contact : sophieateliercoaching@gmail.com

 


Ci-dessous, vous trouverez l’aperçu de nos programmes : ateliers, trajets courts, formations longues, masterclasses et invitations au voyage.

> Soirée Info & Speed Coaching le 07 décembre 2020 au BAO… ou en ligne si vous ne pouvez pas venir.

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